Mais, qu’a donc vraiment dit le Cardinal Julian Herranz…?
25 février 2013 § Poster un commentaire
Ces jours ci, pas un papier ou un article concernant le renoncement de Benoît XVI, qui ne mentionne, au détour d’une phrase, le nom du Cardinal Julian Herranz, membre de l’Opus Dei. Bon. Qui est-il réellement et surtout qu’a-t-il dit pour susciter ce subit intérêt de la part d’une certaine presse? pour le savoir, je vous propose ici le texte intégral d’une entrevue d’Irène H. Velasco correspondante à Rome:
« Julian Herranz connaît mieux que personne les coulisses du Vatican et de la Curie, appareil administratif du Saint-Siège. Tout compte fait, cet expert en Droit Canonique a passé sa vie au Vatican où, entre autres, il a été président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs et de la Commission disciplinaire de la Curie Romain. Il n’y a rien d’étonnant donc à ce que Benoît XVI ait confié à cet espagnol de 82 ans, membre de l’Opus Dei, de diriger l’équipe de trois cardinaux constituée pour l’enquête concernant le scandale Vatileaks. Ses résultats n’ont pas été publiés parce que Herranz les a directement remis au Pape. Lundi dernier, en tant que cardinal, il était au consistoire où Benoît XVI a annoncé sa décision de renoncer à sa charge.
Avez-vous été surpris par cette annonce du Pape ?
Bien sûr, j’ai été surpris. Surpris par la nouveauté radicale de sa décision qui n’a réellement aucun précédent dans l’Histoire de l’Église. En effet, on parle du renoncement de Célestin V alors que ça n’a rien à voir. C’était un anachorète que les cardinaux ont décidé de nommer Pape mais qui n’avait pas les conditions humaines nécessaires pour l’être ni la connaissance de la curie et du travail de gouvernement. Il n’y a donc aucun précédent historique de renoncement au Pontificat en de parfaites conditions mentales. J’en ai donc été surpris. Par contre, concernant la personne de Benoît XVI, cela ne m’a pas du tout étonné.
Cela est-il donc pour vous un geste de cohérence intellectuelle ?
Cet acte de Benoît XVI a mis en relief deux grandes vertus que j’ai toujours admirées chez lui : l’humilité et l’amour de l’Église. Benoît XVI est un pape humble, simple, et profondément intelligent qui a fait connaître l’Évangile avec une très grande profondeur théologique mais aussi avec une grande sensibilité. Ce geste du pape est, me semble-t-il, d’une humilité héroïque. Sainte Thérèse disait que l’humilité était la vérité or Benoît XVI a très clairement exprimé qu’à cause de son âge avancé, il n’a plus les forces nécessaires pour s’occuper comme il faut de sa charge de pasteur de l’Église universelle et que dernièrement sa vigueur a diminué. Reconnaître humblement ces limites humaines devant l’opinion publique mondiale est un geste d’amour de la vérité, la vérité sur lui-même, or ce n’est pas une démarche facile. On n’a qu’à voir combien de gens sont attachés aux charges avec une profonde estime d’eux-mêmes.
En quoi cette renonciation est-elle un signe de son amour de l’Église ?
Le Pape a fait ce geste, il l’a dit clairement, parce qu’il n’a pas les forces suffisantes pour être à la barre de la barque de Pierre, pour être le pasteur de l’Église universelle. L’Église comme il l’a précisément exprimé, est plongée dans un monde en transformation totale, secoué par des questions d’une grande importance pour la foi et le Pape sent qu’il n’a plus la main ferme pour la guider.
D’aucuns considèrent qu’avec l’annonce de son renoncement, le Pape a aussi voulu transmettre un message à la curie agitée, comme l’on sait, ces derniers mois par des luttes intestines et des scandales divers et variés.
Je crois que l’on a extrapolé en donnant une idée scandaleuse de la Curie, image qui ne correspond pas à la vérité. Il y a dans toutes les familles une brebis galeuse, mais ce qu’il y a surtout en la curie ce sont des personnes qui travaillent avec esprit de sacrifice et une grande droiture d’intention. Je pense donc que ce n’est pas cela qui a décidé le pape à prendre cette décision. Je comprends que l’on puisse émettre des hypothèses, faire des suppositions, c’est en effet raisonnable. Mais en percevant le tout de l’intérieur, comme c’est mon cas, et en ayant travaillé sur des dossiers avec le pape il y a seulement quelques jours, il ne me semble pas que tout cela soit à l’origine de son choix.
Vous avez dirigé une équipe de trois cardinaux dans l’enquête sur le Vatileaks. Pensez-vous que ce scandale ainsi que celui de la pédophilie ont pu peser sur la décision de Benoît XVI ?
Le pape a affronté ces problèmes avec une grande détermination théologique et juridique, comme il l’a fait pour tant d’autres problèmes. J’insiste, ils ne concernent qu’une petite partie des ministres sacrés.
L’Église sera-t-elle désormais toujours la même après le renoncement de Benoît XVI ?
Le geste du pape est empreint d’une grande nouveauté par rapport aux 2000 ans de l’Histoire de l’Église. Cependant, il se pourrait que l’avenir ne le soit pas tout autant et ce, grâce à l’exemple d’humilité et d’amour de l’Église de Benoît XVI. La vie humaine atteint un seuil de plus en plus long, or cela ne veut pas dire que la vie physique et mentale des gens se prolonge à l’avenant. Il y a un appauvrissement, une paupérisation de l’organisme. C’est dans la logique humaine, et aussi dans l’amour de l’Église, qu’à un moment donné on ait l’humilité de reconnaître qu’on n’en peut plus et qu’on se retire. Benoît XVI l’a eue.
Pensez-vous que, dans ce sens, la longue agonie de Jean-Paul II ait pesé sur la décision actuelle de Benoît XVI ?
C’est possible. Mais je ne veux pas m’immiscer dans la conscience du Pape, je ne me le permettrais jamais, je pense qu’il n’est pas légitime de le faire. Je ne peux donner d’autre explication à ce geste que celle qu’il a lui-même donnée.
Le nouveau pape va-t-il coexister au Vatican avec un ex-Pape? Que pensez-vous de leur éventuelle relation future? Ne sera-t-elle pas difficile pour le nouveau Pontife?
Je ne pense pas qu’elle puisse être difficile. Benoît XVI est quelqu’un d’une extraordinaire délicatesse humaine et spirituelle et il n’aura jamais l’idée d’intervenir dans le domaine des compétences d’un autre, cela répugnerait à sa conscience. Je ne crois donc pas qu’il puisse y avoir, dans ce sens, le moindre problème. Ceci étant, le cas échéant, le nouveau pape pourrait bien aller chercher le conseil de Benoît XVI.
Quelles sont les caractéristiques que doit avoir le nouveau Pape? Compte tenu de ce qui s’est passé avec le cardinal Ratzinger, devra-t-il être jeune et en pleine forme?
L’important est que le nouveau pape soit dans la ligne des pères de l’Église adoptée par Benoît XVI. Les pères de l’Église ont fait des choses essentielles : connaître et aimer le Christ et apprendre aux premiers chrétiens à vivre entièrement les exigences de leur baptême au cœur d’une société païenne. Les circonstances du monde actuel ne sont pas si différentes. Benoît XVI a très bien incarné les deux dimensions du bon pasteur : faire connaître le Christ (il a écrit trois livres consacrés à Jésus de Nazareth en prenant du temps sur ses autres obligations) et il est en train d’apprendre aux chrétiens à vivre responsablement au cœur de la société néo-païenne de ce qu’il est convenu d’appeler le premier monde. Je pense que son successeur devra adopter cette ligne-là. Pour le reste, qu’il soit italien, non-européen, plus ou moins jeune, ou bon communicateur, est secondaire. »
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